Considéré comme autiste, Albert Moser vit jusqu’à l’âge de soixante ans avec ses parents, juifs immigrés d’origine russe. Dans sa jeunesse, il est envoyé avec l’armée d’occupation américaine au Japon, puis exerce quantité de petits métiers : laveur d’avions sur une base militaire, vendeur de bonbons, etc. Mais il s’est toujours imaginé photographe, notamment après avoir suivi quelques cours dans ce domaine à l’École des Arts industriels dans le cadre des formations allouées aux anciens GI. À l’issue de quoi il s’est fait fabriquer un tampon avec la mention « photographer » qu’il appose au dos de ses clichés, à côté de la description méthodique de ses prises de vue. À partir des années 1970 et durant plus de vingt-cinq ans, il réalise plusieurs centaines de panoramiques (allant parfois jusqu’à 360°) dont il fait faire des tirages standard par un photographe de quartier. Puis, il recompose minutieusement ses paysages urbains dans un format linéaire qu’il colle, photo après photo. Ce qui frappe, outre l’audace poétique, c’est la volonté délibérée de réinventer, voire tordre la réalité saisie dans son objectif. Albert Moser n’a jamais cherché à exposer. Il a gardé ses compositions enroulées les unes dans les autres, au fond d’un sac, sans jamais les montrer.