Atteint à sa naissance d’un trouble qui retarde son développement mental et intellectuel, Di Giovanni entre à l’âge de vingt-deux ans dans un centre de réhabilitation psychiatrique, le Centre Fatebenefratelli, près de Milan, et pratique le dessin dans l’atelier dès 2001. Curzio di Giovanni trouve ses sources dans des images de magazines illustrés et réinterprète vedettes de mode et mannequins de publicité. Il ne se met pas au service de la représentation mimétique, calquée sur le modèle. Tout au contraire, il fait fi des règles et des normes relatives aux proportions, au modelé et à l’anatomie du visage, bouscule les principes habituels et les malmène, dévisageant au sens propre ses figures pour en donner une version inédite et déroutante. Le dessinateur ne se met pas sous l’autorité de la photographie et encore moins en opposition à elle. Il pratique le détournement de l’image, considérant les effigies imprimées sur papier glacé tirées de revues comme des sources d’exploration. Sans hésitation, il trace les éléments principaux de la tête à l’aide d’un crayon à la mine de plomb. Puis il décline celle-ci en une quantité de détails par des formes circonscrites et juxtaposées qui traduisent zones d’ombre et de lumière, rides, plis du visage, cernes, commissures ou renflements, mèche de cheveux, particularité ou irrégularité, visibles sur le portrait photographique. L’image a servi à fragmenter la face et à en fragiliser sa cohérence. Toutes les parcelles vont ensuite s’assembler grâce aux couleurs que l’auteur applique au crayon. Curzio di Giovanni s’adonne à la métamorphose ou la malversation de portraits photographiques et, ce faisant, révèle la polysémie du visage, les différentes identités de l’être et la fragilité de tout individu. Après avoir pratiqué le dessin avec ardeur pendant plusieurs années, il cesse totalement cette activité. Les deux animatrices de l’atelier, Teresa Maranzano et Gabriella Vincenti, conservent son oeuvre, la mettent en valeur et la font connaître.