L’art brut, en quelques mots…

Art brut

Depuis son apparition, le concept d’art brut ne cesse d’interroger nos perceptions esthétiques, nos définitions de l’art et les certitudes concernant notre identité. Aujourd’hui, à travers le regard de nouveaux collectionneurs, de chercheurs, enrichi par un public de plus en plus nombreux, mais aussi par l’intérêt naissant d’autres acteurs du champ de l’art, notamment contemporain, et les effets de la mondialisation il est mis à l’épreuve, les interrogations sur le concept évoluent.

Si l’art brut a survécu à Jean Dubuffet, son inventeur, il a connu aussi sa préhistoire enracinée dans ce qu’on appelait, au début du XXe siècle, « l’art des aliénés » que les premières collections psychiatriques surent préserver et qui retinrent l’attention d’intellectuels intuitifs. Dans les années 1940, Jean Dubuffet, avec le concours d’autres artistes et intellectuels initie une recherche et commence une collection de ces productions qu’il qualifie d’art brut. Forgeant ce concept il rompt définitivement avec la conception psychiatrique de l’art des fous : couper le cordon qui lie le créateur à l’hôpital et à l’autorité du psychiatre. Il est ainsi le premier à faire sortir les œuvres des patients créatifs du cadre hospitalier et à en faire un outil de subversion hors les murs ; leur seule existence suffisant à remettre en question les notions classiques de l’art et de la création mais aussi ceux du normal et du pathologique. Dubuffet est aussi le premier à délimiter un territoire spécifique ne pouvant se confondre avec l’art culturel.

Qui sont ces créateurs dont les œuvres représentent pour nous une sorte d’authenticité artistique, ces témoins d’un autre monde, objet tout à la fois de nos rêves et de nos craintes ? Ils sont étrangers à la culture des beaux-arts, étrangers aux rituels et aux lieux qui la constituent : écoles, foires, circuits marchands, musées, institutions, supports de communication. Etrangers aux courants et influences stylistiques, aux labels et procédés techniques en usage. C’est parmi les malades mentaux doués de capacités hautement créatives que Dubuffet a mené ses recherches, mais aussi chez les spirites et ceux vivants dans l’isolement des campagnes, dans l’anonymat des villes ou dans une solitude qu’on pourrait qualifier d’autistique. Si le territoire de l’art brut est celui de « l’homme du commun à l’ouvrage », selon l’expression du peintre, on pourrait tout aussi bien dire que leur destin est « hors du commun », puisqu’une étrange nécessité les propulse dans une fièvre de création où ils s’absorbent tout entiers. L’inventivité qui caractérise ces artistes, d’un genre particulier, est redevable essentiellement à leurs capacités psychiques propres, jusque dans les emprunts qu’ils font à la culture de tous. La plupart d’entre eux ne s’adressent pas à nous mais à une altérité, se pensant investis d’une mission d’ordonnance – du monde – dictée par une instance « supérieure ».