Chronologie

L’art brut, avant l’art brut



1802 Maine de Biran emploie le terme d’automatisme pour désigner les processus mentaux élaborés sans le contrôle de la conscience.

1812 Le Dr Benjamin Rush décrit des œuvres de « malades mentaux » et met en évidence les talents que ceux-ci n’avaient pas manifestés avant leur maladie. Il publie ses observations dans Medical Inquiries and Observations Upon the Diseases of the mind.

1847 Dans l’Etat de New York, première réunion spirite.

1832 Etienne-Jean Delécluze publie une nouvelle Le mécanicien roi, qui raconte l’issue créatrice d’un épisode délirant (réédité en 1995 aux éditions Allia, accompagné d’un texte de Gérard Macé « Un pantin déréglé »).

1853 Victor Hugo exilé à Jersey réalise ses dessins médiumniques.

1857 Allan Kardec publie Le livre des esprits. De son vrai nom Léon-Hyppolyte-Denizart Rivail, il analyse ce qu’est la science spirite et fonde la revue Spirite.

1860 Joseph Octave Delapierre publie une Histoire littéraire des fous. Il rapporte que dans l’asile de Hanswell un lieu est réservé à la vente d’ »œuvres de fous ».

1875 Jean Martin Charcot, qui s’intéresse aux expressions plastiques des hystériques, crée un service photographique à l’hôpital de la Salpêtrière. Par ailleurs il récuse l’hypothèse selon laquelle l’hystérie serait une maladie spécifiquement féminine.


1876 Le Dr Max Simon utilise les œuvres de malades comme documents cliniques.

1877 Première peinture du Douanier Rousseau datée avec certitude.

1879 Le facteur Cheval entame la construction de son Palais Idéal.

1882 Le Dr Lombroso, psychiatre et criminologue, publie Génie et Folie. Il y développe un rapprochement entre le fou, le saint et l’homme de génie.

1889 1er Congrès mondial des spirites à Paris. La même année Pierre Janet avance la notion de subconscient et publie L’Automatisme psychologique, essai sur les formes inférieures de l’activité humaine.

1894 L’abbé Adolphe Julien Fouré commence à sculpter les rochers de Rothéneuf.

1895 Publication des Etudes sur l’hystérie de Sigmund Freud et de Joseph Breuer.


1900 Première exposition d’œuvres de « malades mentaux » au Bethlem Royal Hospital de Londres.

1901 Dans L’art malade : dessins de fous, Marcel Réja ébauche la comparaison entre les dessins d’enfants et de « sauvages ».

1905 Auguste Marie, ancien élève de Charcot et médecin chef de l’asile de Villejuif, ouvre un musée regroupant les œuvres de patients dont il s’est occupé. Local ouvert au public sous l’appellation « Musée de la folie ». La même année le Dr Rogues de Fursac publie son livre Les Écrits et les dessins dans les maladies mentales.

1907 Marcel Réja publie L’Art chez les fous : le dessin, la prose, la poésie. Il met l’accent sur la valeur artistique des œuvres décrites. La même année Pablo Picasso peint Les Demoiselles d’Avignon.

1910 Max Ernst suit des cours de psychiatrie, se passionne pour les œuvres de malades et décide de publier un livre sur les œuvres plastiques des fous. La publication du livre de Prinzhorn lui fait abandonner le projet. La même année, Lucien Lévy-Bruhl écrit Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures, ouvrage qui est au centre du discours sur le rapprochement entre l’art primitif et l’ »art des fous ».

1911 Eugen Bleuler introduit le terme de schizophrénie qui remplace celui de démence précoce. Augustin Lesage semble happé par des voix qui lui indiquent le chemin de l’art.

1912 Année riche qui voit la fin du premier cycle graphique, littéraire et rythmique d’Adolf Wölfli intitulé Du berceau à la tombe, et le début du second, Livre de géographie. Paul Klee affirme la nécessité de reconnaître la richesse des productions d’aliénés mais aussi des enfants et des arts primitifs. Le Dr Henri Marcel Faÿ analyse dans Réflexions sur l’art et les aliénés les similitudes qui apparaissent entre certains fauves, expressionnistes, cubistes et les œuvres d’aliénés. Ces remarques qui tendent à valoriser les uns et les autres seront reprises en négatif quelques années plus tard par les thèses nazies.

1914 Le peintre futuriste italien Umberto Boccioni, manifeste son intérêt pour les phénomènes occultes et médiumniques.


1916 André Breton, étudiant en médecine et mobilisé est affecté à sa demande au centre neuropsychiatrique de Saint-Dizier. Il y restera cinq mois.


1917 André Breton, externe au Centre neurologique de la Pitié, songe à faire carrière comme médecin d’asile. La même année Hans Prinzhorn prend en charge l’étude scientifique et développe la collection d’œuvres d’aliénés de la clinique psychiatrique universitaire d’Heidelberg.

1919 André Breton et Philippe Soupault se livrent à des expériences d’écriture automatique. A l’exposition des « tendances nouvelles » de l’art allemand au Kunstverein de Cologne, les dadaïstes Baargeld et Max Ernst présentent à côté de leurs œuvres celles de « malades mentaux » et d’autodidactes.
1920 Fondation à Paris de l’Institut métapsychique consacré à l ’étude rationnelle des phénomènes paranormaux.

1921 Le Dr Walter Morgenthaler, médecin chef et directeur de la clinique de la Waldau, publie une monographie sur Wölfli : Ein Geisteskranker als Künstler (Un malade mental en tant qu’artiste). A Francfort à la galerie Zingler, exposition Les dessins de fous, à partir de la collection Prinzhorn. A Hanovre, le collectionneur et galeriste Herbert von Garvens accroche des dessins de fous. Freud reçoit Breton qui attend du père de la psychanalyse un point de vue essentiel sur l’ »art des fous ». Freud manifeste un désintérêt total pour le sujet.

1922 Publication à Berlin du livre du Dr Prinzhorn Bildnerei der Geisteskranken, traduit en français par Expression de la folie. Ce texte fondateur connaît un retentissement révolutionnaire dans les milieux littéraires et artistiques. Max Ernst le fait connaître en France, Paul Klee le cite en référence dans ses cours sur le Bauhaus. Augustin Lesage est exposé à l’hôtel de ville de Douai.

1923 Jean Dubuffet, militaire au service météorologique de la tour Eiffel, découvre l’œuvre de Clémentine R., une démente qui dessine et interprète la forme des nuages. La Fédération spirite internationale est créée à Liège.

1924 Publication du premier Manifeste du Surréalisme. L’ »art des fous » et l’idée d’automatisme y sont largement mis en avant. Jean Vinchon publie L’art et la folie, qui place au centre de son dispositif théorique l’automatisme comme élément fondateur de l’expression graphique des malades mentaux.

1925 Dans le n°3 de La révolution surréaliste, Antonin Artaud fustige les psychiatres qui s’arrogent « le droit de mesurer l’esprit ». Les fous lui semblent victimes de l’idéologie dominante et Artaud revendique pour eux « la légitimité absolue de leur conception de la réalité, et de tous les actes qui en découlent ». Le Dr Ladame est appelé à la direction de l’Asile psychiatrique de Bel-Air à Genève. Sa conception psychiatrique relève de ce qu’on appelle la psychiatrie morale. Considèrant certaines productions de ses patients comme des oeuvres d’art à part entière il les conserve dans une collection.

1926 La galerie Vavin-Raspail organise une exposition de la collection du Dr Marie. Augustin Lesage expose au Salon des Beaux-Arts et au Salon d’Automne.

1928 Le Dr Eugène Osty écrit sur Lesage dans la Revue métapsychique. Adolf Wölfli entame son troisième cycle graphique, littéraire et rythmique intitulé La marche funèbre.

1929 La galerie Max Bine à Paris présente des œuvres de la collection Prinzhorn et du Bethlem Royal Hospital de Londres. Nombreuses expositions de la Collection Prinzhorn en Suisse et en Allemagne.

1930 Joseph Crépin s’initie au spiritisme. Dali expose sa méthode « paranoïaque critique », méthode expérimentale qui consiste à faire surgir, à partir de l’image d’un objet donné, une autre image. Cette méthode n’est pas sans rappeler les pratiques d’auto-hallucination de Max Ernst. André Breton publie La psychiatrie devant le surréalisme.

1931 André Breton découvre le Palais idéal du facteur Cheval.

1932 Jacques Lacan publie sa thèse De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité. Etude sur le cas d’une jeune psychotique dont la production littéraire est d’une grande qualité.

1933 Dernière exposition de la collection Prinzhorn avant la prise du pouvoir par Hitler. André Breton publie Point du jour.

1935 Exposition à New York d’œuvres de « malades mentaux » sous le titre On Works of Art of the Insane.

1936 Exposition internationale du surréalisme à Londres et présentation d’œuvres de « malades mentaux ».


1937 Ouverture du musée des Arts et Traditions populaires à Paris.

1939 Asger Jorn s’intéresse aux « œuvres de fous » et travaille à l’hôpital psychiatrique de Roskilde au Danemark. Le Dr Ferdière échoue dans son projet de créer un musée regroupant des œuvres d’aliénés en dehors du cadre de l’hôpital.

1943 Le Dr Ferdière organise à Montpellier une exposition d’œuvres d’aliénés.



Naissance du concept art brut


1945 Jean Dubuffet commence sa collection, soutenu par Jean Paulhan, Raymond Queneau, Charles-Albert Cingria, René Auberjonois. Grâce à Paul Budry, Dubuffet entreprend un voyage en Suisse et visite les hôpitaux psychiatriques.

1946 Premier fascicule de la collection de Dubuffet consacré aux Barbus Müller. Il ne sera diffusé qu’en 1979 par le musée Barbier-Müller.

1947 Exposition de Baya à la galerie Maeght. Ouverture du Foyer de l’Art Brut dans les sous-sols de la galerie René Drouin à Paris. Le Dr Henry Ey organise une conférence sur le thème « La médecine mentale devant le surréalisme ». Exposition internationale du surréalisme.

1948 Fondation de La Compagnie de l’Art Brut, avec Jean Dubuffet, André Breton, Jean Paulhan, Charles Raton, Henri-Pierre Roché, Michel Tapié et Slavko Kopac. André Breton publie dans la Pléiade L’art des fous, la clef des champs. Michel Ragon organise l’exposition Art brut, naÏvisme et littérature prolétarienne à la galerie Portes de France, à Paris. Fondation du groupe Cobra.

1949 L’art brut préféré aux arts culturels : première exposition de la collection de la Compagnie de l’Art Brut. Jean Dubuffet définit l’art brut. Gaston Chaissac écrit à Jean L’Anselme :  » Je passe pour faire de l’art brut, mais je ne pense pas en faire. »

1950 Exposition internationale d’art psychopathologique à l’hôpital Sainte-Anne à l’occasion du 1er Congrès mondial de psychiatrie. 2000 œuvres sont présentées.

1951 André Breton démissionne de la Compagnie de l’Art Brut. La même année celle-ci est dissoute, Jean Dubuffet confie la collection au peintre Alfonso Ossorio qui la conserve à East Hampton, près de New York.

1954 Publication du livre de Robert Volmat L’art psychopathologique qui souligne, entre autres, les liens entre l’art moderne et les œuvres de « malades mentaux ».


1957 A l’Hôtel de Ville de Paris, exposition d’œuvres de « malades mentaux ». La galerie des Beaux-Arts de Bordeaux présente une exposition sur Goya et le fantastique.

1958 Exposition d’œuvres d’art psychopathologique au musée des Beaux-Arts de Besançon.

1959 Le professeur Volmat participe à la fondation de la Société internationale de psychopathologie de l’expression et en devient président.

1960 Naissance de ce qu’il est convenu d’appeler l’antipsychiatrie. Idée développée d’abord en Angleterre par les psychiatres David Cooper, Aaron Esterson et Ronald Laing. Ils décrivent la folie comme « l’histoire d’un voyage, d’un passage et non d’une maladie ».

1961 Michel Foucault soutient sa thèse Folie et Déraison. Histoire de la folie à l’âge classique.

1962 Exposition d’œuvres de la collection de Dubuffet à New York à la galerie Cordier et Ekstrom. Reconstitution de la Compagnie de l’Art Brut qui élit domicile au 137, rue de Sèvres à Paris. Gilles Ehrmann publie Les inspirés et leurs demeures, préfacé par André Breton.

1964 Edition du premier fascicule de L’Art Brut sous la direction de Jean Dubuffet. Michel Foucault publie, dans la revue La table Ronde, « La Folie, l’absence d’œuvre ». Exposition Primitifs d’aujourd’hui à la galerie Charpentier à Paris.

1965 Edition définitive du Surréalisme et la peinture d’André Breton, comportant entre autres une notice sur Crépin. Eclosion du courant antipsychiatrique. Au même moment, les chimiothérapies entrent en force dans l’arsenal médicamenteux afin de calmer les crises aiguës des « maladies mentales ».


1967 Exposition L’Art Brut au musée des Arts décoratifs à Paris. 700 œuvres pour 75 auteurs de la collection de la Compagnie de l’Art Brut sont présentées pour la première fois au grand public.

1969 André Malraux fait classer Monument historique le Palais Idéal du facteur Cheval.

1971 Jean Dubuffet offre la collection de la Compagnie de l’Art Brut à la ville de Lausanne. 

L’art brut hier

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1972 Roger Cardinal publie Outsider Art à Londres. Exposition Les Primitifs du XXe siècle à la maison de la culture de Rennes. La Documenta 5 de Cassel consacre une section à l’art des « malades mentaux ». Gilles Deleuze et Félix Guattari publient L’Anti-Œdipe.

1973 Exposition Gaston Chaissac au musée national d’Art moderne de la Ville de Paris. La parution des Cahiers de l’Art Brut s’achève avec le n°9.

1975 Michel Thévoz publie chez Skira L’Art Brut. Exposition Naïves and Visionaries au Walker Art Center de Mineapolis.


1976 Inauguration à Lausanne de la Collection de l’Art Brut. Michel Thévoz en devient le conservateur. Harald Szeemann organise à Berne une rétrospective Adolf Wölfli au Kunst Museum.

1977 Reprise de la publication des Cahiers de l’Art Brut. 


1978 Exposition Les Singuliers de L’art à Paris, au musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Bruno Decharme débute sa collection d’art brut qui deviendra en 1999 la collection abcd / Bruno Decharme.

1979 Exposition Outsiders à la Hayward Gallery de Londres.

1981 Monika Kinley et Victor Musgrave créent « The Outsider Archive ». La ville de Chartres acquiert la maison de Picassiette.


1982 Jean Dubuffet appelle désormais sa collection annexe « Neuve invention ». Création de l’association de l’Aracine par Madeleine Lommel, Michel Nedjar et Claire Teller
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1983 Ouverture par Caroline et Alain Bourbonnais de La Fabuloserie, à Dicy. Exposition Baya au musée Cantini à Marseille.

1984 Ouverture au public de la collection de L’Aracine, à Neuilly-sur-Marne.

1986 La Fondation Peggy Guggenheim, à Venise, présente l’exposition Jean Dubuffet et l’art brut. Ouverture à Bruxelles du Centre de recherche et de diffusion Art en Marge. Exposition Les Indomptés de l’art au Palais Granvelle à Besançon.

1988 Exposition Augustin Lesage au musée des Beaux-Arts d’Arras et au musée d’Ethnologie régionale de Béthune. Exposition Chaissac et Dubuffet à Paris, au Centre Georges Pompidou.

1989 John Maizels crée Raw Vision.

1990 Exposition à New York de « Portraits of the Outside » à la Parsons School of Design Gallery.

1992 Exposition Parallel Vision, Modern Artists and Outsider Art au Los Angeles County Museum of Art. Exposition également présentée à la Kunsthalle de Bâle, au Museo Nacional Reina Sofia de Madrid et au Setagaya Art Museum de Tokyo.

1993 Exposition Henry Darger (donation Lerner) à la Collection de l’Art Brut de Lausanne. Première « Outsider Art Fair » à New York. 
1994 Ouverture à Zwolle, aux Pays-Bas, du Museum voor Naïve Kunst en Outsider Art, De Stadshof.

1995 Exposition La Beauté insensée au Palais des Beaux-Arts de Charleroi puis à la Collection de l’Art Brut à Lausanne, consacrée à la collection Prinzhorn. Exposition à la Halle Saint-Pierre de Art brut et compagnie, la face cachée de l’art contemporain. Ouverture du musée American Visionary Art Museum à Baltimore.

1996 Exposition Le dernier continent ou la Waldau, asile de l’art au centre culturel Suisse à Paris. Première exposition de la collection abcd à la Galerie Messine.


1997 Donation de la collection de L’Aracine au musée d’Art moderne de Villeneuve-d’Ascq.

1998 Exposition L’Art Brut à Prague. Exposition Art outsider et folk art des collections de Chicago à la Halle Saint-Pierre de Paris. Exposition Kunst & Wahn à Vienne.

1999 Création de l’association abcd.

L’art brut aujourd’hui

De nombreux blogs et sites fournissent des informations sur l’actualité de l’art brut.